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J'ai cherché l'Amérique sidérale, celle de la liberté vaine et absolue des freeways, jamais celle du social et de la culture - celle de la vitesse désertique, des motels et des surfaces minérales, jamais l'Amérique profonde des mœurs et des mentalités. J'ai cherché dans la vitesse du scénario, dans le réflexe indifférent de la télévision, dans le film des jours et des nuits à travers un espace vide, dans la succession merveilleusement sans affect des signes, des images, des visages, des actes rituels de la route, ce qui est le plus proche de l'univers nucléaire et énucléé qui est virtuellement le nôtre jusque dans les chaumières européennes.
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Rejet des avatars touristiques et pittoresques, des curiosités, des paysages mêmes (seule leur abstraction demeure, dans le prisme de la canicule). Rien n'est plus étranger au travelling pur que le tourisme ou le loisir. C'est pourquoi il se réalise au mieux dans la banalité extensive des déserts ou dans celle, aussi désertique, des métropoles - jamais prises comme lieux de plaisir ou de culture, mais télévisuellement, comme scenery, comme scénarios.
in "Amérique", J. Baudrillard.
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Au fond les États-Unis, avec leur espace, leur raffinement technologique, leur bonne conscience brutale, y compris dans les espaces qu'ils ouvrent à la simulation, sont la seule société primitive actuelle.
Et la fascination est de les parcourir comme la société primitive de l'avenir, celle de la complexité, de la mixité et de la promiscuité la plus grande, celle d'un rituel féroce, mais beau dans sa diversité superficielle, celle d'un fait métasocial total aux conséquences imprévisibles, dont l'immanence nous ravit, mais sans passé pour la réfléchir, donc fondamentalement primitive ...in "Amérique", J. Baudrillard.
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Les vivants ne sont pas des ombres. Ce sont peut-être des morts enveloppés de vêtements et qui brillent.
Désormais ils sacrifient, les deux yeux luisants, habillés de la même manière, devant les mêmes écrans, avec la même envie.
Démagogique, égalitaire, fraternelle, ces mots désignent la même attitude : des meurtriers se surveillent du coin de l'oeil. Ils participent à la même aversion pour toutes supériorités. Ils sont tous blottis les uns contre les autres, serrant les mains sur leur anxiétés comme si elle était un sexe qui était sur le point de leur être soustrait, quémandant une protection, un interdit, une chaine, un médicament supplémentaires.
Cet effroi devant l'indépendance et le désir se métamorphose naturellement en haine contre ceux qui revendiquent un peu d'ombre dans le dessein de dérober à la vue de tous leurs jouissances.
Pour eux la liberté est une émeute.
Ils ont peur s'ils ne dorment pas.extrait de "Les Ombres errantes" de Pascal Quignard, 2002.
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(...)
La banalité, l'inculture, la vulgarité n’ont pas le même sens ici qu’en Europe.
Ou bien n’est-ce qu’une illumination d’Européen, fascination d’une Amérique irréelle ? Peut-être sont-ils tout simplement vulgaires, et je ne fais que rêver de cette métavulgarité ? Who knows ? J’ai bien envie de renouveler le pari célèbre : si j’ai tort, vous n’y perdez rien, si j’ai raison, vous gagnez tout.
Le fait est que toutes nos analyses en terme d’aliénation, de conformisme, d’uniformité et de déshumanisation, tombent d’elles-mêmes : au regard de l’Amérique, ce sont elles qui deviennent vulgaires.(to be continued...)
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(...) Sans doute se trouve-t-il çà et là sur la terre une sorte de prolongement de l'amour au
cours duquel cette convoitise cupide et réciproque entre deux personnes a cédé à une
nouvelle convoitise, à une nouvelle cupidité, à la soif supérieure commune d'un idéal
qui les transcende : mais qui donc connaît cet amour ? qui l'a éprouvé ? Son vrai
nom est amitié.
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[…]
Pourquoi un jour d’avril 1994 alors qu’il faisait beau, alors que le soleil éblouissait, alors que je sortais du Louvre, ai-je soudain hâté le pas? Un homme qui hâte le pas traverse la Seine, il regarde sous les arches du Pont-Royal l’eau entièrement couverte d’une étincelante blancheur, il voit le ciel tout bleu au-dessus de la rue de Beaune, il pousse en courant une grosse porte en bois rue Sébastien-Bottin, il démissionne d’un coup de toutes les fonctions qu’il exerce.
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On ne peut pas être à la fois gardien de prison et un homme évadé.
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Tel est le premier argument.
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Benedictus Spinoza appelait les Hollandais les derniers barbares (ultimi barbarorum).
C’est la lettre cinquante : L’âme, dans la mesure où elle use de la raison, ne relève point de l’État, mais d’elle-même.
Spinoza opposait à la foule, au vulgus, l’ami, le carus, comme deux pôles contradictoires.
Il disait : Nous n’attendons pas de liberté de ceux dont l’esclavage est devenu le principal négoce.
Ce que recherchent les individus qui sont solidaires des collectivités où ils travaillent est la fusion dans un corps plus vaste. Ils retrouvent la joie ancienne qui consistait à s’abandonner à un contenant. Ils renoncent à la subjectivité que l’apprentissage du langage introduit dans chacun et aux privilèges problématiques que l’identification nominale accorde. Ils se donnent aux désirs des autres ; ils jouissent des joies nombreuses répétitives, fétichistes, obsédées, sempiternelles des masochistes. Pour reprendre le mot d’Ammien Marcellin ils préfèrent restaurer un tyran déjà connu (qui les humilie dans les limites des lois qu’ils ont édictées pour contenir les blessures excessives)
soit à l’anxiété imprévisible ;
soit à l’absence de figure paternelle ;
soit à son dédain ;
soit à la solitude.•
Toutes les communautés recherchent la reconnaissance sociale comme un signe lancé de plus loin que l’espace externe, de plus loin que l’air atmosphérique, en amont de la naissance : signe d’appartenance. Ours, alouettes, femmes, homosexuels, malades, mendiants, errants, musiciens, peintres, écrivains, saints, ne vous signalez pas aux pouvoirs politiques.
Ne réclamez pas de droit au tribunal ni de sens à l’État.
Tel est le deuxième argument : l’État par définition est sans fondement, comme le droit lui-même.
Un mort par violence le fonde comme la victime émissaire fait le dieu.
Comme un martyr fait le tyran.
Comme Damoclès fait Denys.•
Le refus de l’appartenance sociale fut condamné aux yeux de tous les groupes humains. Cette condamnation est le fond de chaque mythe.
Comme la passion amoureuse, qui brise l’échange codifié et hiérarchisé entre les membres du groupe pour assurer sa reproduction.
Homère disait : Un individu apolis est une guerre civile.
Le vieil aède entend par là que tout homme sans cité est une graine de guerre civile.
Hérodote a écrit : aucun individu humain isolé ne peut se suffire.
Mot à mot : ne peut être autarkes.
La Bible dit : Malheur à l’homme seul ! Un homme seul est un homme mort.
Mais c’est faux. C’est toujours ce que la société dit. Dans toute littérature orale le narrateur est la société. Tous les mythes déclarent partout sur terre : Il n’y a pas d’amour heureux, afin de préserver les échanges de clan à clan et les alliances généalogiques.
Mais c’est faux.
Car il y eut des amants interdits qui connurent le bonheur.
Car il y eut des hommes seuls, des ermites, des errants, des périphériques, des chamans, des centrifuges, des solitaires qui furent les plus heureux des êtres.•
Il a existé de tous les temps des individus en rupture avec la famille à laquelle ils étaient affiliés ou avec le clan auquel ils avaient appartenu.
La décision de s’écarter de tous, le choix périphérique surgit dès le premier foyer dans les bandes animales.•
Depuis l’aube des temps les sources hantèrent les grottes et les grottes attirèrent les vivipares. Ils s’y abritèrent. Ils y revinrent quand les glaciers les eurent évidées en les abandonnant.
[…]
in Pasqual Quignard, Les Ombres errantes, 2002, folio, pg 152.
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E le foglie morte nel vento
Tra le pale del Moulin Rouge
Vagano da sempre nel tempo
Come le chanteuses a Pigalle...
Canterò chanson d'amour
Atmosfera vagamente retrò
Anche se con il naso all'insù
Commediante o stravagante sarò
Tragicomico acrobata In bilico sulla cittàChanson d'amour
Un attimo di tempo
Un angolo nel tempo
Chanson d'amour
Randagio sentimento
Un brivido violento
Canterò una volta di più
Alla luna che da sempre mi spia
Rapsodia che si tinge di blu
Sul sorriso una sottile ironia
Una lirica incredula
Canzone di facile presa
Chanson d'amour
Fa risvegliare dentro
La voglia di un momento
Chanson d'amour
Randagio sentimento
Un brivido violento
Chanson d'amour
Un attimo di tempo
Un angolo nel tempo
Un souvenir
Un souvenir
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J'aime : la salade, la cannelle, le fromage, les piments, la pâte d'amandes, l'odeur du foin coupé (j'aimerais qu'un « nez » fabriquât un tel parfum), les roses, les pivoines, la lavande, le champagne, des positions légères en politique, Glenn Gould, la bière excessivement glacée, les oreillers plats, le pain grillé, les cigares de Havane, Haendel, les promenades mesurées, les poires, les pêches blanches ou de vigne, les cerises, les couleurs, les montres, les stylos, les plumes à écrire, les entremets, le sel cru, les romans réalistes, le piano, le café, Pollock, Twombly, toute la musique romantique, Sartre, Brecht, Verne, Fourier, Eisenstein, les trains, le médoc, le bouzy , avoir la monnaie, Bouvard et Pécuchet, marcher en sandales le soir sur les petites routes du Sud Ouest, le coude de l'Adour vu de la maison du docteur L., les Marx Brothers, le serrano à sept heures du matin en sortant de Salamanque, etc.
Je n'aime pas: les loulous blancs, les femmes en pantalon, les géraniums, les fraises, le clavecin, Miro, les tautologies, les dessins animés, Arthur Rubinstein, les villas, les après midi, Satie, Bartok, Vivaldi, téléphoner, les chœurs d'enfants, les concertos de Chopin, les bransles de Bourgogne, les danceries de la Renaissance, l'orgue, M. A. Charpentier, ses trompettes et ses timbales, le politico sexuel, les scènes, les initiatives, la fidélité, la spontanéité, les soirées avec des gens que je ne connais pas, etc.
J’aime, je n'aime pas: cela n'a aucune importance pour personne; cela, apparemment, n'a pas de sens. Et pourtant tout cela veut dire : mon corps n'est pas le même que le vôtre.
Ainsi, dans cette écume anarchique des goûts et des dégoûts, sorte de hachurage distrait, se dessine peu à peu la figure d'une énigme corporelle, appelant complicité ou irritation.
Ici commence l'intimidation du corps, qui oblige l'autre à me supporter libéralement, à rester silencieux et courtois devant des jouissances ou des refus qu'il ne partage pas.(Une mouche m'agace, je la tue : on tue ce qui vous agace. Si je n'avais pas tué la mouche, c'eût été par pur libéralisme: je suis libéral pour ne pas être un assassin.)
Roland BARTHES, Roland Barthes par Roland Barthes. 1975.
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DER ABSCHIED, un extrait du texte traduit :
"Il descendit de cheval et lui tendit la coupe de l'adieu. Il lui demanda où il allait et pourquoi cela devait être ainsi.
Il parla, et sa voix était voilée :
Toi mon ami, sache que sur cette terre, le bonheur ne m'a pas souri ! Où vais-je ? je vais, je m’en vais errer dans les montagnes.
Je cherche le repos pour mon cœur solitaire."
Et toujours pour en savoir plus... et bien sûr...
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Kreuzberg, Warschauer, Kottbusser Tor, Berlin mit Grégoire in seiner Versöhnung. (La reconciliation)