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    Il faut que le plan régional de mobilité soit appliqué dans les communes de Bruxelles, c'est une question d'urgence, pour la santé publique et pour l'environnement.

    Goodmove doit être porté par nos politiciens de manière ambitieuse. Il ne faut pas laisser des minorités égoïstes, relayées par des médias en recherche de buzz, dicter les règles du vivre ensemble.
    C'est le moment de rendre visible la parole de ceux qui croient que le plan Goodmove est une bonne chose pour l'ensemble de la société et pour les générations futures. 
    A notre tour aussi, levons la voix et disons que #welovegoodmove

    Signez ici : chng.it/XsdKkhzQK2 

     


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    Quelques paroles de M. Poujade

    
Ce que la petite bourgeoisie respecte le plus au monde, c’est l’immanence : tout phénomène qui a son propre terme en lui-même par un simple mécanisme de retour, c’est-à-dire, à la lettre, tout phénomène payé, lui est agréable. Le langage est chargé d'accréditer, dans ses figures, sa syntaxe même, cette morale de la riposte. Par exemple, M. Poujade dit à M. Edgar Faure : «Vous prenez la responsabilité de la rupture, vous en subirez les conséquences », et l'infini du monde est conjuré, tout est ramené dans un ordre court, mais plein, sans fuite, celui du paiement. Au-delà du contenu même de la phrase, le balancement de la syntaxe, l'affirmation d'une loi selon laquelle rien ne s'accomplit sans une conséquence égale, où tout acte humain est rigoureusement contré, récupéré, bref toute une mathématique de l'équation rassure le petit-bourgeois, lui fait un monde à la mesure de son commerce. 
Cette rhétorique du talion a ses figures propres, qui sont toutes d'égalité. Non seulement toute offense doit être conjurée par une menace, mais même tout acte doit être prévenu. L'orgueil de «ne pas se faire rouler» n'est rien d'autre que le respect rituel d'un ordre numératif où déjouer, c'est annuler. (« Ils ont dû vous dire aussi que pour me jouer le coup de Marcellin Albert il ne fallait pas y compter»). Ainsi la réduction du monde à une pure égalité, l'observance de rapports quantitatifs entre les actes humains sont des états triomphants. Faire payer, contrer, accoucher l'événement de sa réciproque, soit en rétorquant, soit en déjouant, tout cela ferme le monde sur lui-même et produit un bonheur ; il est donc normal que l'on tire vanité de cette comptabilité morale : le panache petit-bourgeois consiste à éluder les valeurs qualitatives, à opposer aux procès de transformation la statique même des égalités (œil pour œil, effet contre cause, marchandise contre argent, sou pour sou, etc.). 
M. Poujade est bien conscient que l'ennemi capital de ce système tautologique, c'est la dialectique, qu'il confond d'ailleurs plus ou moins avec la sophistique : on ne triomphe de la dialectique que par un retour incessant au calcul, à la computation des conduites humaines, à ce que M. Poujade, en accord avec l'étymologie, appelle la Raison. (« La rue de Rivoli sera-t-elle plus forte que le Parlement ? La dialectique plus valable que la Raison ? ») La dialectique risque en effet d'ouvrir ce monde que l'on prend bien soin de fermer sur ses égalités ; dans la mesure où elle est une technique de transformation, elle contredit à la structure numérative de la propriété, elle est fuite hors des bornes petite-bourgeoises, et donc d'abord anathémisée, puis décrétée pure illusion : une fois de plus dégradant un vieux thème romantique (qui alors était bourgeois), M. Poujade verse au néant toutes les techniques de l'intelligence, il oppose à la «raison » petite-bourgeoise les sophismes et les rêves des universitaires et des intellectuels discrédités par leur seule position hors du réel computable. (« La France est atteinte d'une surproduction de gens à diplômes, polytechniciens, économistes, philosophes et autres rêveurs qui ont perdu tout contact avec le monde réel. »)
 Nous savons maintenant ce qu'est le réel petit-bourgeois : ce n'est même pas ce qui se voit, c'est ce qui se compte ; or ce réel, le plus étroit qu'aucune société ait pu définir, a tout de même sa philosophie : c'est le «bon sens», le fameux bon sens des «petites gens», dit M. Poujade. La petite-bourgeoisie, du moins celle de M. Poujade (Alimentation, Boucherie), possède en propre le bon sens, à la manière d'un appendice physique glorieux, d'un organe particulier de perception : organe curieux, d'ailleurs, puisque, pour y voir clair, il doit avant tout s'aveugler, se refuser à dépasser les apparences, prendre pour de l'argent comptant les propositions du «réel », et décréter néant tout ce qui risque de substituer l'explication à la riposte. Son rôle est de poser des égalités simples entre ce qui se voit et ce qui est, et d'assurer un monde sans relais, sans transition et sans progression. Le bon sens est comme le chien de garde des équations petites-bourgeoises : il bouche toutes les issues dialectiques, définit un monde homogène, où l'on est chez soi, à l'abri des troubles et des fuites du «rêve» (entendez d'une vision non comptable des choses). Les conduites humaines étant et ne devant être que pur talion, le bon sens est cette réaction sélective de l'esprit, qui réduit le monde idéal à des mécanismes directs de riposte.
 Ainsi, le langage de M. Poujade montre, une fois de plus, que toute la mythologie petite-bourgeoise implique le refus de l'altérité, la négation du différent, le bonheur de l’identité et l'exaltation du semblable. En général, cette réduction équationnelle du monde prépare une phase expansionniste où «l'identité» des phénomènes humains fonde bien vite une «nature» et, partant, une «universalité ». M. Poujade n'en est pas encore à définir le bon sens comme la philosophie générale de l'humanité ; c'est encore à ses yeux une vertu de classe, donnée déjà, il est vrai, comme un revigorant universel. Et c'est précisément ce qui est sinistre dans le poujadisme : qu'il ait d'emblée prétendu à une vérité mythologique, et posé la culture comme une maladie, ce qui est le symptôme spécifique des fascismes.


    
Roland BARTHES, Mythologies, 1957


  •  

    (...)

    C’est le point décisif, qui achève de boucler le dispositif : le défenseur, sommé de prouver encore et encore sa version des faits, se voit opposer une fin de non-recevoir systématique, appuyée par toute une série de méthodes de réfutation profondément spécieuses. La première de ces méthodes, c'est évidemment l'hyper-criticisme ; c'est à ce niveau-là que s'opère la confusion dangereuse avec le libre-examen, dont il emprunte partiellement la forme (à savoir, la possibilité de mettre en doute tout argument d'autorité) ; cependant, là où l'hyper-criticisme s'écarte du libre-examen, c'est qu'il s'exerce au sein d'un champ de connaissance déjà conditionné par les trois points précédents (ce n'est pas la même chose de critiquer le géocentrisme au nom d'expériences scientifiques aux résultats contradictoires, comme Galilée, ou de mettre en doute la thèse officielle du 11 septembre au nom d'un fantasme paranoïaque sans aucun élément probatoire, comme Meyssan). La méthode hypercritique est bien évidemment hermétique à toute forme d'éthique de discussion fondée sur une réciprocité ; partant du credo que la meilleure défense c'est l'attaque, elle repose en fait sur un déni de toute réciprocité. Son modèle, c'est celui de l'inquisiteur et de la sorcière, pas celui du dialogue et de la confrontation de points de vue. Ce point est crucial car il explique la focalisation sur le détail, le fait que le défenseur ne peut que contre-argumenter en articulant à son tour sa défense autour de ce même détail, alors qu'une vue d'ensemble appliquée à l'ensemble de la discussion aurait tôt fait de neutraliser tout le dispositif conspirationniste. L'accusateur conspirationniste refuse d'aller sur ce terrain ; il est essentiellement accusateur et n'a pas à répondre des objections qui lui sont faites. 

    Extrait de "Notes sur une possible épistémologie conspirationniste" par Pierre Chevalier paru dans la revue n°3 de Ulenspiegel, automne 2020. à suivre ici : 1e élément : La Méthode tronquée (ou Descartes à la carte) - 2e élément : Déhiérarchisation des éléments probatoires - 3e élément : Renversement de la charge de la preuve 



  • Un 8 mars tous les jours!

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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    >   " Hey yo enough’s enough ! "  

    Petite entorse aux principes de ces pages : une critique négative…
    La raison en est qu’il faille à mon sens réagir fermement à un phénomène qui abêtit notre monde avec force et vitesse, et qui s'avère être au bout du compte fort haineux. Il représente aussi l'exact contraire de ce que à quoi je me suis essayé dans ces pages...
    Je veux parler de ces théories du complot qui pullulent aujourd’hui sur internet mais aussi, plus largement, d’une bonne partie de ces contre-histoires, révélations, enquêtes d’experts, mises à nu... En somme, de cet ensemble de procédés qui sous prétexte de corriger l'histoire, flirtent tous, d’une manière ou d’une autre, mais de manière fondamentale, avec le négationnisme. Ces phénomènes me préoccupent aussi dans la mesure où ils obéissent à une attitude spécifique de notre époque : celle du déni de tout processus de connaissance et de la nécessaire reconnaissance symbolique et intellectuelle que celui-ci implique.
    Je sais que nous vivons une époque de transparence où la moindre ombre, le moindre secret éveille immédiatement les soupçons…
    Certes, des complots et des mystères existent. Oui, mais voilà…

    Il est normal qu'une civilisation, lors des moments charnières de son évolution, peine à remodeler de nouvelles valeurs et n’intègre qu'avec difficultés des événements qui lui semblaient hier encore insensés et ce pour que s'établisse petit à petit quelque chose comme sa nouvelle époque. Avec l'évolution chaotique, les impasses politiques et religieuses entre autres liées à la mondialisation, des incertitudes et certaines opacités se sont fortement accrues ces vingt dernières années. Ainsi augmente un  besoin de sens, là où avant son absence était vécue avec indifférence. C'est sans doute la raison pour laquelle, dans notre époque qui peine à créer de nouvelles politiques (quel parti prendre, quelles valeurs défendre?), de plus en plus de personnes trouvent un certain sens pour notre monde dans les théories du complot. Car c’est bien là leur fonction principale : croire au complot, c’est se mettre en mesure de donner du sens à ce qui rechigne à en accepter facilement, à ce qui en paraît même dépourvu et qui par là, inquiète. Les croyances au complot donnent l’illusion de pouvoir expliquer certains événements paraissant trop complexes voire incompréhensibles et ainsi, rendent possible un positionnement "politique" clair - voilà qu’on se trouve une famille politique... Mais sous cet apparent retour à une politisation des événements, ces théories ont, de fait, une fonction profondément dépolitisante - car elles simplifient le réel : elles suspectent la complexité d’une situation d'être elle-même le fruit d’un brouillage volontaire, d’un complot. Ses adeptes en profitent alors pour annoncer le retrait de leur responsabilité en se présentant comme victimes : persuadés d'être manipulés, ils estiment logiquement ne plus devoir être reconnus comme responsables et ils rejettent la responsabilité sur des comploteurs avec un espoir naïf de poser un nouveau champ critique, de redéfinir de nouvelles règles et de nouvelles valeurs. En réalité, ils quittent le champ critique, ils sortent du jeu et relativisent le concept même de valeur.

    Bricolages et mauvais spectacles

    Parce que notre époque est toujours celle d'un certain positivisme triomphant, les théories du complot recourent de manière très large aux "sciences" afin de convertir ceux qui douteraient encore. Avec un style misérable et le mauvais goût, on vous soumet des données statistiques, des prélèvements divers et certaines « évidences » de lois physiques, biologiques, etc. Il convient au passage de remarquer que malgré la nature souvent complexe de ces références, ces théories sont toujours faciles à assimiler… et se moquent éperdument des règles historiographiques. La frime...
    Il faut pourtant plus que de simples informations pour proposer une critique sensée et digne de ce nom : celles-ci doivent surtout être agencées et articulées selon une méthode. L’individuation démocratique moderne, avec la proclamation du libre-arbitre, a produit un individu ignorant l’incomplétude de sa propre nature qui, s’il se sent autonome pour correctement s’informer, s’estime tout aussi souverain à construire sa propre opinion…
    Pourtant le savoir n'est pas constitué en une suite d’informations juxtaposées les unes aux autres - l’information de son côté ne dira que ce qui est, et par là, ce qui doit être…
    Aujourd’hui plus que jamais, nous avons accès à presque toutes les informations sur les faits, ce qui provoque un déséquilibre inédit entre d’une part, l’accès à l’information qui est instantané et total, et d’autre part, la trop rare aptitude à les agencer de manière "méthodologique" afin de produire du sens, une vérité. A bien y regarder, on remarquera que les théories du complot concernent systématiquement et uniquement des sujets prisés, et souvent formés par les médias de masse. En dépit de leur prétention à incarner un renouveau, en tant que soi-disant avant-gardes intellectuelles ou politiques originales et innovantes, la plupart de leurs idées ont environ cent cinquante ans et c'est uniquement grâce à la nouvelle possibilité de médiation qu'est pour elles le réseau internet qu'elles ressurgissent aujourd'hui, à peine dépoussiérées. Parce qu'elles sont une réaction de médias pour les médias et par les médias, elles n’expriment en ce sens qu’un comportement réactionnaire - s’émanciper de cette sphère médiatique leur est impossible ; et dans ce monde clos, tout en ayant des effets funestes sur le réel, c’est comme folles et apeurées qu’elles se tiennent un discours à elles-mêmes.
    Certains pressentent alors l'avantage qu'il y aurait à se démarquer de ce type de discours et tentent d'en sortir en invoquant grossièrement la tradition philosophique : ils évitent le terme de complotistes et se présentent comme sceptiques... Cette perversion du terme n’aide pas car il s'agit là plutôt d'un hyper-criticisme (prouvez votre preuve!) qui ignore les limites de la raison sur l’expérience. Puisqu’il existe un au-delà à la raison : le délire.
    Les théories du complot expriment aussi symboliquement les peurs et les aspirations de ceux qui peinent à saisir la multiplicité et la pluralité formelle des faits, des concepts et des histoires. Et ce le plus souvent car ils sont occupés, presque au sens du territoire, à autre chose. Ils peuvent être de ces travailleurs qui, fatigués à la fin de la journée, se divertissent avec ce spectacle qu’on leur propose... Et parce que ces histoires font partie de leurs divertissements, ils rechignent à y appliquer un travail critique. Le succès populaire du complotisme procède d'une fascination, même cynique chez certains, pour ce qui se présente à eux comme une insurrection des consciences.

    Confondre son désordre psychique avec celui du monde, hystérie et psychose paranoïaque

    Je pense que certains, au lieu d'apprendre à vivre  avec cette impuissance, qu'on rencontre tous à l'occasion,  à expliquer un événement et dont les causes nous échappent, préfèrent conclure à l’impuissance de ceux qui sont censés lui faire voir plus clair dans tout cela : les intellectuels. C'est ainsi que les théoriciens du complot ont une grande part de responsabilité dans le regain, barbare et fasciste, de l’anti-intellectualisme de ces jours.
    Les théories du complot donnent le sentiment à celui qui y souscrit d’être plus lucide que les autres tout en lui faisant perdre de vue l'inclinaison narcissique et arrogante qu'il y a à se prendre aussi facilement pour un penseur « différent », il lui est ainsi plus confortable d’imaginer qu’il est devenu quelqu’un capable de sentir ce que d’autres échouent à même entrevoir (ces même "intellos", "bobos" et autre formulation indigne et méprisante). 

    La structure de ces théories accueille sa propre structure psychique, ce qui apporte une preuve rassurante de sa propre vérité et lui permet d’être reconnu par lui-même et par les autres. Il se sent soulagé par ce miroir qui ne reflète plus l'homme confus et désenchanté politiquement qu’il fut. Le complot rassure donc de la même manière que la phobie rassure contre l’angoisse, et c'est de la sorte que son existence s'avère constituer, au final, une bonne nouvelle pour l'économie psychique puisqu'il fait « sens » ; maintenant que le complot a été révélé, il ne reste plus qu’à le dénoncer et à le combattre publiquement, créant par la même occasion du lien social...
    Il faudra donc bien convenir que les théories du complot et leur ésotérisme sont structurés comme une idéologie et ses adeptes en sont leurs idéologues, ou gourous. 
    Ce sont des analyses artificielles et simplistes qui jouent l'intérêt politique avec démagogie et poujadisme ; finalement elles desservent profondément les sociétés dans lesquelles elles apparaissent car elles masquent entre autre les vrais complots néfastes. Je crois que nous avons tout à gagner à nous en passer, cela permettrait de commencer, humblement mais fermement, à apprendre à bien parler du pouvoir. Et ce, par exemple, en clarifiant sans simplifier.

     

    Grégoire
    (réédition du 13 décembre 2013)



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  • « Je montre d’abord que l’état des hommes sans société civile (quel état peut être nommé l’état naturel) est rien sauf une guerre de tous contre tous ; et que, dans cet état, tous ont le droit de toutes choses. »

    Thomas Hobbes, Leviathan (1651)

     


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    Lundi matin.
     
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    https://oldpiratebay.org/

      
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  • http://proxybay.info

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  • sandwich au gouda

    ça faisait longtemps que je n'étais pas allé, ça a changé : après avoir voté comme il faut, et peut-être aussi parce que ça n'a pas été facile, les organisateurs m'ont offert ce sandwich au gouda (comme on peut le voir grâce à cet étiquetage clair et très pratique). Comme il m'a semblé que rien n'avait été clairement prévu pour que je le mange sur place, j'ai donc attendu d'être de retour chez moi, et avec les quelques biber qu'il me restait dans mon frigo, c'était vraiment bon.
    Quand même, si j'avais su ça les autres fois... C'est trop bête!

     
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  • " Hey yo enough’s enough ! "
      

    Petite entorse aux principes de ces pages : une critique négative…
    La raison en est qu’il faille à mon sens réagir fermement à un phénomène qui abêtit notre monde avec force et vitesse, et qui s'avère être au bout du compte fort violent. Il représente aussi l'exact contraire de ce que à quoi je m'essaye dans ces pages...
    Je veux parler de ces théories du complot qui pullulent aujourd’hui sur internet mais aussi, plus largement, d’une bonne partie de ces contre-histoires, révélations, enquêtes d’experts, mises à nu... En somme, de cet ensemble de procédés qui sous prétexte de corriger l'histoire, flirtent tous, d’une manière ou d’une autre, mais de manière fondamentale, avec le révisionnisme ou le négationnisme. Ces phénomènes me préoccupent aussi dans la mesure où ils obéissent à une attitude spécifique de notre époque : celle du déni de tout processus de connaissance et de la nécessaire reconnaissance symbolique et intellectuelle que celui-ci implique.
    Je sais que nous vivons une époque de transparence où la moindre ombre, le moindre secret éveille immédiatement les soupçons…
    Certes, des complots et des mystères existent. Oui, mais voilà…

    Il est normal qu'une civilisation, lors des moments charnières de son évolution, peine à remodeler de nouvelles valeurs et n’intègre qu'avec difficultés des événements qui lui semblaient hier encore insensés et ce pour que s'établisse petit à petit quelque chose comme son nouvel ordre. Avec l'évolution chaotique, les impasses politiques et religieuses entre autres liées à la mondialisation, des incertitudes et certaines opacités s’accroissent. C'est sans doute la raison pour laquelle, dans notre époque qui peine à créer de nouvelles politiques (quel parti prendre, quelles valeurs défendre?), de plus en plus de personnes trouvent un certain sens pour notre monde dans les théories du complot. Car c’est bien là leur fonction principale : croire au complot, c’est se mettre en mesure de donner du sens à ce qui rechigne à en accepter facilement, à ce qui en paraît même dépourvu et qui par là, inquiète. Les croyances au complot donnent l’illusion de pouvoir expliquer certains événements paraissant trop complexes voire incompréhensibles et ainsi, rendent possible un positionnement politique clair - voilà qu’on se trouve une famille politique... Mais sous cet apparent retour à une politisation des événements, ces théories ont, de fait, une fonction profondément dépolitisante - car elles simplifient le réel : elles suspectent la complexité d’une situation d'être elle-même le fruit d’un brouillage volontaire, d’un complot. Ses adeptes en profitent alors pour annoncer le retrait de leur responsabilité en se présentant comme victimes : persuadés d'être manipulés, ils estiment logiquement ne plus devoir être reconnus comme responsables et ils rejettent la responsabilité sur les comploteurs avec un espoir naïf de pouvoir redéfinir d'autres règles. En réalité, ils sortent du jeu.

    Bricolages et mauvais spectacles

    Parce que notre époque est toujours celle d'un certain positivisme triomphant, les théories du complot recourent de manière très large aux "sciences" afin de convertir ceux qui douteraient encore. Avec un style littéraire lamentable et de très mauvais goût, on vous soumet des données statistiques, des prélèvements divers et certaines « évidences » de lois physiques, biologiques, etc. Il convient au passage de remarquer que malgré la nature souvent complexe de ces références, ces théories sont toujours faciles à assimiler… et se moquent éperdument des règles historiographiques.
    Il faut pourtant plus que de simples informations pour proposer une critique sensée et digne de ce nom : celles-ci doivent surtout être agencées et articulées selon une méthode. L’individuation démocratique moderne, avec la proclamation du libre-arbitre, a produit un individu ignorant l’incomplétude de sa propre nature qui, s’il se sent autonome pour correctement s’informer, s’estime tout aussi souverain à construire sa propre opinion…
    Pourtant le savoir n'est pas constitué en une suite d’informations juxtaposées les unes aux autres - l’information dit ce qui est et par là ce qui doit être…
    Aujourd’hui plus que jamais, nous avons accès à presque toutes les informations sur les faits qui provoque un déséquilibre inédit entre d’une part, l’accès à l’information qui est instantané et total, et d’autre part, la trop rare aptitude à les agencer de manière méthodologique afin de produire du sens, une vérité. A bien y regarder, on remarquera que les théories du complot concernent systématiquement et uniquement des sujets prisés, et souvent formés par les médias de masse. En dépit de leur prétention à incarner un renouveau, en tant que soi-disant avant-gardes intellectuelles ou politiques originales et innovantes, la plupart de leurs idées ont environ cent cinquante ans et c'est uniquement grâce à la nouvelle possibilité de médiation qu'est pour elles le réseau internet qu'elles ressurgissent aujourd'hui à peine dépoussiérées. Parce qu'elles sont une réaction de médias pour les médias et par les médias, elles n’expriment en ce sens qu’un comportement réactionnaire - s’émanciper de cette sphère médiatique leur est impossible ; et dans ce monde clos, tout en ayant des effets funestes sur le réel, c’est comme folles et apeurées qu’elles se tiennent un discours à elles-mêmes.
    Certains pressentent alors l'avantage qu'il y aurait à se démarquer de ce type de discours et tentent d'en sortir en invoquant grossièrement la tradition philosophique : ils évitent le terme de complotistes et se présentent comme sceptiques... Cette perversion du terme n’aide pas car il s'agit là plutôt d'un hyper-criticisme (prouvez votre preuve!) qui ignore les limites de la raison sur l’expérience. Puisqu’il existe un au-delà à la raison : le délire.
    Les théories du complot expriment aussi symboliquement les peurs et les aspirations de ceux qui peinent à saisir la multiplicité et la pluralité formelle des faits, des concepts et des histoires. Et ce le plus souvent car ils sont occupés, presque au sens du territoire, à autre chose. Ils peuvent être de ces travailleurs qui, fatigués à la fin de la journée, se divertissent avec le Spectacle qu’on leur propose... Et parce que ces histoires font partie de leurs divertissements, ils rechignent à y appliquer un travail critique. Le succès populaire du complotisme procède d'une fascination, même cynique chez certains, pour ce qui se présente à eux comme une insurrection des consciences.

    Confondre son désordre psychique avec celui du monde, hystérie et psychose paranoïaque

    Je sais que certains, au lieu de constater leur propre impuissance pour expliquer un événement dont les véritables causes leur échappent, préfèrent conclure à l’impuissance de ceux qui sont censés lui faire voir plus clair dans tout cela : les intellectuels. C'est ainsi que les théoriciens du complot ont une grande part de responsabilité dans le regain, barbare et fascisant, de l’anti-intellectualisme aujourd'hui. Les théories du complot donnent le sentiment à celui qui y souscrit d’être plus lucide que les autres tout en lui faisant perdre de vue l'inclinaison narcissique et arrogante qu'il y a à se prendre aussi facilement pour un penseur « différent », il lui est ainsi plus confortable d’imaginer qu’il est devenu quelqu’un capable de sentir ce que d’autres échouent à même entrevoir (ces même "intellos").
    La structure de ces théories accueille sa propre structure psychique, ce qui apporte une preuve rassurante de sa propre vérité et lui permet d’être reconnu par lui-même et par les autres. Il se sent soulagé par ce miroir qui ne reflète plus l'homme confus et désenchanté politiquement qu’il était avant. Le complot rassure donc de la même manière que la phobie rassure contre l’angoisse, et c'est de la sorte que son existence s'avère constituer, au final, une bonne nouvelle pour l'économie psychique puisqu'il fait « sens » ; maintenant que le complot a été révélé, il ne reste plus qu’à le dénoncer et à le combattre publiquement, créant par la même occasion du lien social...
    Il faudra donc bien convenir que toutes les théories du complot, et leur ésotérisme, ont une structure idéologique fondamentale.
    Ce sont des analyses artificielles et simplistes qui jouent l'intérêt politique avec démagogie et poujadisme ; finalement elles desservent profondément les sociétés dans lesquelles elles apparaissent. Je crois que nous avons tout à gagner à nous en passer, cela permettrait de commencer humblement mais fermement à apprendre à bien parler du pouvoir. Et ce par exemple, en clarifiant sans simplifier.

     

    Grégoire

     




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  • Pour celui qui saurait le voir, peut-être qu'il y a quelque chose de politique à extraire de ces formes, en faire qqch de concret même...

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  • La promesse de chaos ; les jantes sombres et mattes, brutes, la profondeur de quatre trous noirs où rien ne (se) réfléchit à rien, ce noir qui aspire toute lumière, réduisant tout au silence, et duquel en même temps menace la pire violence. 
    Hier encore, cette violence était-elle enjolivée...
    Aujourd'hui, la barbarie se débarrasse de ses enjoliveurs et ressurgit fière, nerveuse et arrogante.


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  • "Minable époque, qui, dans son impuissance à créer ou à reconnaître le nouveau, en est réduite à toujours resucer, remastiquer, recracher, revomir une tradition qu’elle n’est même pas capable de vraiment connaître et de vraiment faire vivre."


  • The Pirate Bay - Away From Keyboard

     











































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    Vota y Trabaja y no pienses Granada 2012 anarchisme


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  •  L’Occident, c’est cette civilisation qui a survécu à toutes les prophéties sur son effondrement par un singulier stratagème. Comme la bourgeoisie a dû se nier en tant que classe pour permettre l’embourgeoisement de la société, de l’ouvrier au baron. Comme le capital a dû se sacrifier en tant que rapport salarial pour s’imposer comme rapport social, devenant ainsi capital culturel et capital santé autant que capital financier. Comme le christianisme a dû se sacrifier en tant que religion pour se survivre comme structure affective, comme injonction diffuse à l’humilité, à la compassion et à l’impuissance, l’Occident s’est sacrifié en tant que civilisation particulière pour s’imposer comme culture universelle. L’opération se résume ainsi : une entité à l’agonie se sacrifie comme contenu pour se survivre en tant que forme.

    (…) A ce point, il n’y a pas une seule de ses "valeurs" à quoi elle arrive encore à croire en quelque façon, et toute affirmation lui fait l’effet d’un acte d’impudence, d’une provocation qu’il convient de dépecer, de déconstruire, et de ramener à l’état de doute. L'impérialisme occidental, aujourd'hui, c'est celui du relativisme, du c'est ton "point de vue", c'est le petit regard en coin ou la protestation blessée contre tout ce qui est assez bête, assez primitif ou assez suffisant pour croire encore à quelque chose, pour affirmer quoi que ce soit. C’est ce dogmatisme du questionnement qui cligne d'un œil complice dans toute l’intelligentsia universitaire et littéraire. Aucune critique n'est trop radicale parmi les intelligences postmodernistes, tant qu’elle enveloppe un néant de certitude. Le scandale, il y a un siècle, résidait dans toute négation un peu tapageuse, elle réside aujourd’hui dans toute affirmation qui ne tremble pas.

    extraits... par le comité invisible, 2007.


  • "Pour défendre les causes perdues" contre le cynisme hyper-relativiste et mou.







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