• Dans la petite suite...

     

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    C’est le point décisif, qui achève de boucler le dispositif : le défenseur, sommé de prouver encore et encore sa version des faits, se voit opposer une fin de non-recevoir systématique, appuyée par toute une série de méthodes de réfutation profondément spécieuses. La première de ces méthodes, c'est évidemment l'hyper-criticisme ; c'est à ce niveau-là que s'opère la confusion dangereuse avec le libre-examen, dont il emprunte partiellement la forme (à savoir, la possibilité de mettre en doute tout argument d'autorité) ; cependant, là où l'hyper-criticisme s'écarte du libre-examen, c'est qu'il s'exerce au sein d'un champ de connaissance déjà conditionné par les trois points précédents (ce n'est pas la même chose de critiquer le géocentrisme au nom d'expériences scientifiques aux résultats contradictoires, comme Galilée, ou de mettre en doute la thèse officielle du 11 septembre au nom d'un fantasme paranoïaque sans aucun élément probatoire, comme Meyssan). La méthode hypercritique est bien évidemment hermétique à toute forme d'éthique de discussion fondée sur une réciprocité ; partant du credo que la meilleure défense c'est l'attaque, elle repose en fait sur un déni de toute réciprocité. Son modèle, c'est celui de l'inquisiteur et de la sorcière, pas celui du dialogue et de la confrontation de points de vue. Ce point est crucial car il explique la focalisation sur le détail, le fait que le défenseur ne peut que contre-argumenter en articulant à son tour sa défense autour de ce même détail, alors qu'une vue d'ensemble appliquée à l'ensemble de la discussion aurait tôt fait de neutraliser tout le dispositif conspirationniste. L'accusateur conspirationniste refuse d'aller sur ce terrain ; il est essentiellement accusateur et n'a pas à répondre des objections qui lui sont faites. 

    Extrait de "Notes sur une possible épistémologie conspirationniste" par Pierre Chevalier paru dans la revue n°3 de Ulenspiegel, automne 2020. à suivre ici : 1e élément : La Méthode tronquée (ou Descartes à la carte) - 2e élément : Déhiérarchisation des éléments probatoires - 3e élément : Renversement de la charge de la preuve